Le grand retour...

L’effroyable créature, qui pompait l’énergie de Crocodile à chaque mouvement, se dirigeait à toute vitesse vers Lucci. Ce dernier resta stoïque un instant, puis se jeta dans la gueule du dragon sans hésiter. L’impact était imminent, les deux êtres fusaient l’un vers l’autre et Lucci serra ses deux poings, Crocodile reconnut la technique que le félin avait employée peu de temps avant. Lorsque l’agent du CP9 et le dragon furent à quelques centimètres l’un de l’autre, l’homme libéra toute sa puissance dans la tête de la bête.

- Ushion Rukuou Gun !

Le museau de la créature explosa littéralement sous la violence du choc, poussant des nuages de sable qui se laissaient porter par le vent. De l’endroit où il se trouvait Crocodile ne le voyait pas, mais Lucci esquissait un léger rictus de douleur à chaque mouvement. Et malgré tous les efforts qu’il avait déployés jusqu’à présent, il ne s’arrêta pas là. Rassemblant toutes ses forces dans une détermination sans faille, il enchaîna encore sa technique dite de la « Justice Finale » à d’autres endroits du corps du dragon. A chaque coup, la bête volait en éclats et Crocodile sentait son énergie s’enfuir lentement. Un mince filet de sang s’échappa de sa bouche lorsque sa créature ne fut plus qu’un amas de grains de sable emportés par le vent. Ce n’était pas un exploit que de comprendre qu’utiliser cette technique l’avait considérablement affaibli, d’un certain côté il était idiot d’utiliser des techniques de cette puissance contre un adversaire qui ne pouvait le toucher. Il comprit alors qu’il avait commis une erreur dès le départ, il aurait du vaincre Lucci par la fatigue et non pas par une unique attaque.

* Tsss… Il ne montre pas encore de signe de fatigue. Ce type est increvable ? Mais… je ne peux quand même pas perdre ! Je n’avais même pas envisagé cette solution, tout simplement parce qu’elle est irrationnelle… Il va connaître le courroux des sables ! *

Pourtant, à l’instant où Crocodile douta de l’issue du combat, le léopard enragé tomba de plusieurs mètres de haut et s’écrasa lourdement sur le sol, dans un bruit sourd, soulevant un nuage de sable. Rob Lucci semblait extrêmement fatigué et extenué, sans doute avait-il brûlé beaucoup de ses forces pour détruire la bête.

- Ca y est ? Ta… hah… Ta volonté a décidé de t’abandonner à ton propre sort ? Tu t’es préparé à ce qu… ce qui t’attend, pas vrai ? La… hah… la mort !! baragouina Crocodile, fréquemment coupé par ses profondes inspirations.

L’ex-capitaine corsaire se trompait. Lucci était toujours animé par son infaillible détermination. Mettant ses douleurs de côté pour le moment, il se releva tant bien que mal, étonnant son adversaire qui, bien sûr, ne le montra pas.

* Mais enfin ? Comment peut-il encore se relever après tous ces efforts ?! Vraiment… il n’est pas le chef du CP9 pour rien… C’est vraiment surhumain ! *

L’étonnement de Crocodile ne fut pas très long, une ou deux secondes seulement, car juste après, dans la fatigue, le félin posa un genou à terre. Il semblait tiraillé par ses douleurs, son œil gauche était à moitié fermé, il tremblotait légèrement.

- Jamais ! Plus jamais je ne perdrai encore ! Pluton sera mienne ! cria-t-il, exténué.

A ce moment précis, le regard hautain du Sir se changea en celui d’un tueur. Une seule personne pouvait prétendre au pouvoir des armes antiques, cette personne c’était lui. Ainsi, alors que Rob Lucci demeurait immobile depuis maintenant quelques temps, Crocodile transforma son bras en une hache de sable des plus tranchantes.

- Desert Rebando.

Dans ce qui serait cette fois-ci le véritable dernier assaut, l’évadé s’élança vers Lucci puis, quelques mètres devant sa cible, sauta dans les airs avant de se rabattre sur lui de toute sa puissance. Mais, au moment où seule une poignée de centimètres le séparait du léopard épuisé, il tomba ventre contre terre, lui aussi à bout de souffle. Il ne savait pas s’il avait touché le félin dans sa chute, il n’avait pas pu voir l’action. De là où il était étendu, il pouvait sentir le souffle profond de Lucci qui devenait de plus en plus irrégulier.

* Est-ce… la fin ? *

Crocodile avait lancé ce qui était probablement le dernier assaut. Il tourna alors lentement et difficilement la tête vers la droite, pour voir ce qu’il était advenu de son adversaire. Il sentit alors, s’infiltrant entre son crochet et son manteau, une mare de sang et à ce moment-là, plus de doute. Il avait bel et bien touché Lucci. La victoire était très certainement acquise, à moins que le chef du CP9 ait encore des tours dans son sac. Dans ce cas-là, Crocodile ne parviendrait peut-être pas à conserver son avantage physique. Malgré la fatigue qui le tiraillait, il posa une main, puis un genou à terre. Le souffle profond et haletant, il parvint à se remettre sur ses pieds, vacillant sur ses jambes, le regard vide. Il fixa alors le félin qui se tenait le bras en grimaçant de douleur. L’ex-capitaine corsaire aurait préféré l’atteindre à un endroit plus vital, malgré tout il perdait beaucoup de sang et semblait exténué. Etrangement, sa corpulence se réduisit et sa musculature revint à la normale. Evidemment, il n’avait plus assez de forces pour maintenir sa forme de léopard. Cet aspect faiblard ne l’empêchait cependant pas de fixer Crocodile avec un regard déterminé. Sa blessure n’avait aucune influence sur ses convictions et sur sa combativité. Les deux guerriers demeurèrent silencieux de longues secondes, avec pour seul bruit de fond le vent du désert. Ils s’observaient l’un l’autre sans parler lorsqu’un bruit répété détourna leur attention. Le bagnard pivota la tête et remarqua un escargophone marqué du nom CP9. Il appartenait à Lucci et une voix interpella ce dernier.

- Lucci tu me reçois ? Hey t’entends ?! Ici Spandam ! cria l’appelant.

Interrogé sur ce coup de fil, Crocodile regarda à nouveau le chef du CP9. Il semblait vraiment inquiet par ces phrases et sans doute était-ce son supérieur qui lui parlait.

- Lucci tu m’entends ? Mais qu’est-ce que tu fous bon sang, cela va faire plusieurs jours que tu as disparu sans rien dire. Je ne sais pas ce que tu manigances mais j’ai entendu certaines rumeurs venant de la Marine, comme quoi tu serais dans les environs d’Alabasta. Tu n’as reçu aucun ordre de te déplacer et pire encore tu nous as rien dit.

Les traits du visage de Rob Lucci se tendirent à nouveau. Son angoisse grandissait et il resta muet comme une carpe pendant longtemps, plusieurs minutes peut-être, avant de murmure quelques mots, frustré.

- Merde, je savais que j’aurais du en finir vite, comment vais-je faire désormais ? se questionna-t-il avec anxiété.

Cela faisait longtemps que le chef du CP9 avait détourné son regard de Crocodile, il semblait complètement absorbé par les propos de l’interlocuteur. Le ton de ce dernier se durcit et devint réellement agressif lors de sa troisième apostrophe.

- Bon ?! Réponds moi je suis ton Chef ! LUCCI ? AURAIS-TU L’INTENTION DE TRAHIR LE GOUVE… hurla-t-il avant d’être interrompu.

L’escargophone explosa, empêchant l’appelant de finir sa phrase. Crocodile remarqua immédiatement que Lucci pointait son bras vers l’appareil, certainement avait-il envoyé un shigan ou une technique dans le genre, alors que l’ancien détenu étouffait un rire devant cette situation ridicule.

- Ferme-là, parasite.

Toujours étendu sur le sol, son regard flamboyant se reporta à nouveau sur l’ex-capitaine corsaire qui reprit son sérieux. D’une voix menaçante, il questionna Crocodile, visiblement décidé à lui tirer les vers du nez.

- Bon, maintenant tu vas me dire tout ce que tu sais de l’arme.

Cette fois, l’homme au crochet explosa de rire devant la phrase de Lucci. Entre temps, il s’était assis sur un rocher, le visage balayé par les vents violents qui sévissaient dans le désert. Il calma un peu son euphorie avant de répondre à son adversaire.



- Tu te moques de moi, c’est ça ? Tu demandes souvent à un ennemi des informations ? Tsss… Mais bon, sache que je suis de bonne humeur et que je vais te répondre malgré tout. Qu’est-ce que je sais ? Rien. Bwahahaha ! Imbécile… Je n’ai jamais vu quelque chose d’aussi ridicule que cette question ! Vous devez vous amuser dans la marine, microbe… le nargua-t-il en crachotant du sang, la voix rauque, le souffle haletant. Allez, il est temps de se quitter, mon chaton !

Crocodile se retourna en direction d’Alubarna et entama une lente marche sans adresser un regard à Lucci. Peut-être qu’ils ne se reverraient plus jamais, peut-être que les destin les amènerait se retrouver par la suite. Le bagnard s’éloignait, sa grande ombre noire tranchant l’immensité désertique, et il s’assure que le chef du CP9 ne le voyait plus avant de s’effondrer lourdement au sol. Toutes ses forces l’avaient quitté à ce moment-là et le sable alentour se teinta de rouge au contact du sang. Il était impossible de désigner un vainqueur à ce combat, sans doute cela pousserait Crocodile à vouloir une revanche. Ce dernier ferma alors les yeux et se laissa emporter par le vent, laissant pour seule trace cette flaque témoignant de ses blessures.